lundi 20 septembre 2010
Waada
Le cimetière est envahi par une multitude en guenilles. Des feux s’installent, des cuisines s’improvisent dans les intervalles étroits qui séparent les sépultures de tant d’êtres disparus. On marche en trébuchant entre les jambes d’animaux qui s’étirent, se roulent sur le sable, à coté de groupes accroupis ou de gens affairés par les apprêts d’un festin. on se heurte aux objets de toute sorte qui traînent pèle-mêle sur le col :amphores remplies de beurre,outres velues toutes gonflées d’eau,sacoches bourrées de farines,plateau de bois grossier,poteries enfumées,et le pied foule des loques salies,effilochées,racornies,des lambeaux de couvertures à larges rayures noires,des bats de mulets souillés de graisse,des brides recousues,des harnachements rapiécés. Le tumulte s’accroît à mesure que grossit la foule. C’est une confusion de voix enfantines et de paroles graves entrecoupées par le bêlement des chèvres qu’on égorge ou par des braiments d’ânes heureux d’être délivrés de leurs fardeaux. Les groupes se resserrent autour des grands quartiers de viande rôtie et des plateaux chargés de couscous, de tadjins et de galettes de miel. Les plats circulent, les notables d’abord se rassasient, ensuite les humbles, enfin les serviteurs. De jolis enfants, adorablement encapuchonnés, laissent apercevoir leurs grands yeux noirs ; ils se tiennent au milieux de la fête presque sans bouger, rêvant à la part qui pourra leur revenir de ces bons morceaux lorsque leur tour sera venu. Leurs visages sont sérieux, leurs mouvements graves. Ils ont déjà la dignité. Leur grâce enfantine est mélangée d’une précoce mélancolie et d’une sorte d’indifférence initiée de leurs pères, hommes circonspects.
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